musicologie

14 mai 2023 — Jean-Marc Warszawski

Valentin Bibik : une musique d'une exceptionnelle intensité

Valentin Bibiksonates pour piano et violon, Annabelle Berthomé-Reynolds (violon), Luka Okros (piano). Indésens Calliope 2022 (IC 010).

Enregistré  les 21-24 septembre 2022, ferme de Villefavard.

Très peu de gens, en hexagonie au moins, ont entendu le nom de Valentin Bibik ou un peu de sa musique. On peut faire chapeau bas d’un geste admiratif à la violoniste Annabelle Berthomé-Reynolds, au pianiste Luka Okros, aux éditions discographiques Indésens, pour cette sublime révélation que sont ces trois sonates. Aussi pour la qualité de l’interprétation et de l’enregistrement.

Valentin Bibik est né à Kharkov en 1940, et y fait pratiquement toute sa carrière de compositeur et de professeur de composition jusqu’à l’effondrement du bloc soviétique. Il quitte sa ville natale pour enseigner à l’université et à l’Académie des arts de Saint-Pétersbourg. Il quitte la Russie en 1998, invité par la faculté de musique à l’université de Tel-Aviv où il meurt prématurément en 2003. Compositeur reconnu et joué, il est membre de l’Union des compositeurs soviétiques dès 1968, et en dirige la section ukrainienne de 1989 à son départ pour Saint-Pétersbourg.

Il est un des premiers compositeurs soviétiques à avoir ouvert les chemins de l’avant-garde. Mais contrairement à la majeure partie de ses collègues occidentaux de l’avant-garde monacale, il n’est pas à la recherche de techniques composition universelles, d’algorithmes engendrant les proliférations, et tout en sortant du système tonal des gammes majeures et mineures, il ne tente pas de le remplacer par les automatismes d’un autre système. Il ne renonce pas à la résonance harmonique, à la mélodie. Il abandonne une écriture imposant sa logique, au profit d’une oralité s’imposant à l‘écriture. Sa musique est d’une immense liberté, en permanente invention, elle est aussi, sans relâche, d’une profonde et efficace expressivité qui touche et captive. On ressent le socle populaire et la rupture d’avec les beautés romantiques (occidentales), l’héritage de Moussorgski à Chostakovitch, auquel Valentin Bibik a plusieurs fois rendu hommage, notamment dans l’âpreté des batteries binaires (croches ou doubles croches), une âpreté qui peut faire penser à quelques tableaux à cru de Malevitch, ici ou là l’évocation de cloches, typiques de la musique russe, de l’élégie à fendre pierre, et surtout cette manière de polyphonie, où les voix gardent leur indépendance, faisant l’effet d’un théâtre à scènes simultanées, où se jouent, dans une même temporalité, plusieurs destinées à la fois, dans lesquelles les voix ne sont pas assujetties les unes aux autres.

Une merveille sonore, enchaînant émotion sur émotion. Encore une fois, chapeau bas aux interprètes.

Seule déception : l'indigence du livret.

Valentin Bibik, sonate pour violon et piano no 3, 2. Molto allegro, plage 2 (extrait).

 

 Jean-Marc Warszawski
14 mai 2023
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Dimanche 14 Mai, 2023 2:54